lundi 12 avril 2010

Puisqu'on parle de culture...


En l'an de grâce 1978, Gang of Four sur son album Entertainment!, proposa ces quelques mots :

At home he feels like a tourist

At home he feels like a tourist
He fills his head with culture
He gives himself an ulcer
He fills his head with culture
He gives himself an ulcer

Down on the disco floor
They make their profit
From the things they sell
To help you cover
all the rubbers you hide
In your top left pocket

At home she's looking for interest
At home she's looking for interest
She said she was ambitious
So she accepts the process
She said she was ambitious
So she accepts the process

Down on the disco floor
They make their profit
From the things they sell
To help you cob off
And the rubbers you hide
In your top left pocket

Two steps forward
(Six steps back)
(Six steps back)
(Six steps back)
(Six steps back)
Small step for him
(Big jump for me)
(Big jump for me)
(Big jump for me)
(Big jump for me)

At home she feels like a tourist
At home she feels like a tourist
She fills her head with culture
She gives herself an ulcer
Why make yourself so anxious
You give yourself an ulcer

Je suis triste, je voulais mettre le morceau d'époque en écoute mais youtube ne fournit pas ça (ya juste le remake moisi de 2005). D'un côté c'est peut-être pas plus mal : ça m'aurait fait mal au cœur je crois. Vous échapperez donc au son en cisaille de 78 et à la belle pochette rouge avec sa poignée de main désespérante (référence à Vaneigem ou constat identique? va savoir...).
A l'époque ils appelaient ça Entertainment! (le point d'exclamation change tout). Leur musique, bien qu'on ait tout fait pour ne pas s'en rendre compte, était une arme de guerre. Quand on intitule son œuvre "divertissement!" (exclamation outrée, cynisme ou parodie?), c'est qu'on a quand même une certaine rancœur vis à vis de sa condition d'artiste. Oui, en 78, il y avait de la rancœur dans l'air. On ne savait pas trop si on faisait la révolution ou des produits consommables, ni même si tout cela ne revenait pas un peu au même (la bande des quatre, au passage, est un groupuscule de la Chine révolutionnaire, et quant au rouge de l'artwork, on a rarement fait plus éloquent). Tous en cœur, Devo, Public Image Ltd. et autres Wire se posent la question avec perplexité. C'est aussi cette année là qu'en Angleterre, quelques agités proclament le fameux "punk is dead", et aussi qu'ils croient en l'"anarchy in the UK" (mais pour de vrai cette fois). Alors Gang of Four arrive. Son message est clair : le punk, la new-wave et la cold-wave ne sont que rien d'autre que du divertissement pour le peuple, et peut-être même lâchaient-ils entre eux le mot de spectacle. Pour mettre les choses au clair, rien de tel que la radicalisation : la plèbe aime les rythmes dansants et énergiques? les revendications vindicatives? les instrumentations mécaniques et déshumanisées? On va lui en donner. Pas question de mentir, pour être surs de foutre la zone, on met tout au premier degré : "entertainment" titré en gros sur la pochette (on sait ce qu'on achète du coup), et un tube imparable sur chaque piste. Un carton. C'est le rôle qu'on veut donner aux artistes, autant aller jusqu'au bout. Pourtant, le premier degré ça fait mal aussi. Quand on prend la peine de décrire la société de consommation dans son plus simple appareil, c'est certes naïf, mais ça fait aussi quelques dégâts :
The problem of leisure
What to do for pleasure
Ideal love a new purchase
A market of the senses
Dream of the perfect life
Economic circumstances
The body is good business
Sell out, maintain the interest
Remember Lot's wife
Renounce all sin and vice
Dream of the perfect life
This heaven gives me migraine
(tout ça sur Natural's not in it)
Les ignorants n'ont pas manqué, comme à leur habitude, de ne rien comprendre à ce qui se passait. Les attardés de U2 et Red Hot Chili Pepper se sont empressés de clamer à qui voulait l'entendre le génie d'Allen et Gill qui les rendait pourtant obsolètes. C'est le triste sort qu'ont connu tous les détournateurs : on les prend au sérieux et ils deviennent les apôtres de ce qu'ils méprisaient. Du manifeste acide que constituait l'œuvre de Gang of Four, on n'a gardé que la forme : des rythmiques qui, tirées de leur contexte, ouvraient le bal pour des pléthores de groupes sans saveur (et les années 2000 n'ont pas été en reste dans ce grand plagiat). On a bien réussi à faire danser les quidams sur du Joy Div, alors pensez donc... Ce qui reste vrai, c'est qu'il y a une ambiguïté : le groupe prenait-il du plaisir à jouer cet entertainment? Aimait-il sa musique? Je n'arrive pas à le savoir vraiment tant l'illusion est parfaite... L'énergie qui se dégage de cette musique est-elle une moquerie ou une réelle jouissance? On posera la même question à Ionesco et à Debord : ne se livraient-ils pas à la déformation des arts qu'ils détestaient avec un certain plaisir coupable? N'entrevoyaient-ils pas une forme de libération par ce biais? Je pose la question. Reste aussi qu'on ne pourra jamais s'empêcher de remuer son corps au son de cette musique au groove imparable, toute caustique qu'elle est. Après tout, ne désespérons pas des rythmiques énergiques : elles peuvent faire un excellent accompagnement au lancer de pavé.

PS : on peut visiblement écouter ça sur deezer, et les plus malhonnêtes d'entre vous (bouh) pourront jeter leur dévolu sur les divers liens qui grouillent ici bas comme du menu fretin. Amusez-vous bien, c'est fait pour.
PPS : c'est pas ma faute si j'ai écrit cet article faisandé, la société m'y a forcé et mon père boit.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire